Auby Productive

Europan 15, Lauréats

À Auby, ancienne cité minière du Nord, l’habitat perdure tandis que l’offre d’emploi chute. À l’heure où le chômage dépasse les 20%, il est grand temps de questionner le potentiel de l’habitat à devenir productif et attractif. Plutôt qu’un schéma urbain figé, le projet propose un mode opératoire fondé sur l’expérimentation, laissant place à l’imprévu et aux opportunités, où chaque phase impulse la suivante. L’approche se tisse autour de quatre grands thèmes interdépendants : économie, social, énergie et urbain.

Programme : Europan 15 «Villes productives»
Lieu : Ville d’Auby, Douaisis agglo, Bassin Minier du Nord- (59950) Pas-de-Calais
Acteurs impliqués : Europan, Ville d’Auby, CAUE du Nord, Mission Bassin Minier, Douaisis agglo, SCoT du Grand Douaisis
Site stratégique : 26 hectares
Mission : Concours d’idées
Équipe de conception : Quatrine
Date : 2019

L’atelier de l’emploi

La première phase consiste à répondre aux besoins immédiats de la ville : créer de l’emploi pour les personnes en situation précaire. Depuis 2017, l’association Territoire Zéro Chômage expérimente une nouvelle offre d’emploi sur mesure pour les personnes volontaires. La méthode consiste à rencontrer les habitants intéressés afin de relever leurs savoir-faire et envies. Accompagnés, les habitants créent leurs propres métiers en fonction de leurs compétences, des espaces disponibles et des besoins du quartier. Cette démarche a donc des enjeux multiples : augmenter l’offre d’emploi, impliquer les habitants à la transformation de leur ville, redynamiser le quartier et générer des rencontres. À Auby, l’entreprise s’appellera « L’atelier de l’emploi » et s’installera dans les maisons existantes sur l’îlot de la pointe, à l’entrée de la ville. Cette première réhabilitation accueillera également la maison du projet. Le phare de la maison commune accueillera des ateliers de workshop, tables rondes et exposition sur le devenir d’Auby, réunissant ainsi des acteurs de tous horizons (habitants, élus, chercheurs, associations, etc.). L’îlot de la pointe présente également quelques maisons inoccupées et condamnées à la démolition, dont les particularités spatiales induisent un type de production à accueillir potentiellement et des premiers emplois à créer. L’arrivée de l’atelier de l’emploi à Auby permet d’intégrer les habitants dans le processus de transformation de la ville. De même que la dépollution par phytoremédiation sur la friche du Château d’eau engendre l’arrivée d’acteurs extérieurs et favorise la rencontre des milieux culturels et sociaux autour de biens communs : l’avenir d’une ville, l’avenir de l’environnement.

Le quartier fertile

La deuxième phase porte sur la friche du Château d’eau. Pour activer ce fragment de territoire, un réseau de signaux ponctue le site et son environnement proche. Ces phares urbains composent avec la morphologie du tissu existant où chaque point (équipement, bâtiment public, etc.) génère des séquences, des liens entre des éléments plus lointains dans un tissu où les équipements ne sont pas concentrés mais diffus. Le signal principal, « la Capitainerie », est un centre de déconstruction des bateaux soutenu par l’Association pour la plaisance éco-responsable (APER). Ce lieu accueille à la fois un atelier, une ressourcerie navale, mais aussi des centres de formation et de sensibilisation. Second signal, « l’Atelier des mobilités », réinvestit un hangar avec un service de partage des véhicules (voitures, mobilité douce). Le lieu accueille également un garage solidaire géré par l’Atelier de l’emploi. Les deux signaux tissent un lien à la fois visuel et physique par la création d’un maille, espace de déambulation doux, partagé entre piéton, voiture, et cycliste. À l’échelle du quartier, le schéma urbain propose une implantation en lanières perpendiculaires au canal afin d’ouvrir la ville sur l’eau. Les programmes publics et les services se situent sur les extrémités des lanières pour préserver la tranquillité des logements et des jardins communs.

Habitat productif

Dans la continuité des expérimentations initiées par l’Atelier de l’emploi, l’habitat nouveau invite l’innovation dans les modes d’habiter et de produire. La méthode consiste à réinterpréter chaque pièce de vie pour y imaginer un temps de production, et inventer à partir de cet usage de nouvelles typologies de logements. La cuisine est un parfait exemple. Dans un logement, cette pièce n’est utilisée que deux à trois fois par jour. Elle peut devenir productive pendant les heures creuses et s’ouvrir ponctuellement sur l’espace public, par exemple le midi en semaine afin de répondre aux besoins de restauration des travailleurs locaux. Pour cela, un dispositif de cuisine commune est mis en place dans un complexe de huit logements (T1, T2) pour personnes âgées et jeunes. Dans les temps productifs, la cuisine est tenue par un tiers, qui assure l’accompagnement des personnes âgées tout en préparant une cuisine de quartier. Dans les temps non productifs, la cuisine redevient commune aux logements. Ce dispositif se nourrit des énergies locales et pourrait bien s’étendre au-delà des limites d’Auby. Tout comme un grand nombre de communes dans le bassin minier, la mutation de la ville devient ainsi une opération pilote spécialisée dans un domaine : l’habitat productif.

L’avis du jury

À la croisée des politiques de requalification urbaine et des politiques d’emploi, le projet propose une illustration concrète d’une démarche solidaire intimement liée à l’idée de patrimoine productif. Le projet propose un mode opératoire fondé sur des expérimentations qui s’enchaînent dans l’espace et dans le temps, en intégrant la réhabilitation de l’habitat ancien.